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Le Consentement de Vanessa Springora

Dernière mise à jour : 26 août 2021





Au milieu des années 80, élevée par une mère divorcée, V. comble par la lecture le vide laissé par un père aux abonnés absents. À treize ans, dans un dîner, elle rencontre G., un écrivain dont elle ignore la réputation sulfureuse. Dès le premier regard, elle est happée par le charisme de cet homme de cinquante ans aux faux airs de bonze, par ses œillades énamourées et l’attention qu’il lui porte. Plus tard, elle reçoit une lettre où il lui déclare son besoin «  impérieux  » de la revoir. Omniprésent, passionné, G. parvient à la rassurer : il l’aime et ne lui fera aucun mal. Alors qu’elle vient d’avoir quatorze ans, V. s’offre à lui corps et âme. Les menaces de la brigade des mineurs renforcent cette idylle dangereusement romanesque. Mais la désillusion est terrible quand V. comprend que G. collectionne depuis toujours les amours avec des adolescentes, et pratique le tourisme sexuel dans des pays où les mineurs sont vulnérables. Derrière les apparences flatteuses de l’homme de lettres, se cache un prédateur, couvert par une partie du milieu littéraire. V. tente de s’arracher à l’emprise qu’il exerce sur elle, tandis qu’il s’apprête à raconter leur histoire dans un roman. Après leur rupture, le calvaire continue, car l’écrivain ne cesse de réactiver la souffrance de V. à coup de publications et de harcèlement. «  Depuis tant d’années, mes rêves sont peuplés de meurtres et de vengeance. Jusqu’au jour où la solution se présente enfin, là, sous mes yeux, comme une évidence  : prendre le chasseur à son propre piège, l’enfermer dans un livre  », écrit-elle en préambule de ce récit libérateur.


MON AVIS


Si G.M a partagé durant des années sa passion pour les jeunes adolescent.e.s en toute impunité, n’est-il pas plus que normal et légitime que l’une d’entre elles puisse s’élever et raconter son histoire ?


Page après page, j’ai dévoré l’œuvre. Je traversais la route (passages piétons et petit bonhomme vert bien sûr) lorsque je terminais la page 55. Page intermédiaire, celle qui nous fait pénétrer dans le tragique. Mais le tragique "non voyeur" et c'est ce que j'ai apprecié. À aucun moment, j'ai eu cette impression malsaine de regarder ou de lire quelque chose que je ne devrais pas. Vanessa Springora réussi l'exercice grâce à sa plume subtile et douce. C'est émouvant et juste. Aux détracteurs, vous serez déçu.e.s. Elle écrit son Amour et son Désir, elle ne nie ni l’un ni l’autre. Mais elle écrit également la perversion de celui qui, en possession d’un libre-arbitre et d’un pouvoir de domination, aurait dû s’éloigner.


CITATIONS


"Notre sagesse commence où celle de l'auteur finit, nous voudrions qu'il nous donnât des réponses, quand tout ce qu'il peut faire est de nous donner des désirs."

Marcel Proust, Sur la lecture


"Quand je pense à tous ces parents bien-pensants qui lisent à leurs enfants "Alice au pays des merveilles avant de les coucher, sans avoir la moindre idée de qui était Lewis Carroll, ça me donne envie de hurler de rire. Il avait une passion pour la photographie et a réalisé de façon compulsive des centaines de portraits de petites filles, dont celui de la véritable Alice, celle qui lui a inspiré le personnage principal de son chef-d'oeuvre, l'amour de sa vie (...)"


"Dix ans avant ma rencontre avec G., vers la fin des années soixante-dix, un grand nombre de journaux et d’intellectuels de gauche ont en effet pris publiquement la défense d’adultes accusés d’avoir eu des relations « coupables » avec des adolescents. En 1977, une lettre ouverte en faveur de la dépénalisation des relations sexuelles entre mineurs et adultes, intitulée « À propos d’un procès » est publiée dans Le Monde signée et soutenue par d’éminents intellectuels, psychanalystes et philosophes de renom, écrivain au sommet de leur gloire, de gauche pour la plupart. On n’y trouve entre autres les noms de Roland Barthes, Gilles Deleuze, Simone de Beauvoir, Jean-Paul Sartre, André Glucksmann, Louis Aragon…"


"C'est que dans les années soixante-dix, au nom de la libération des moeurs et de la révolution sexuelle, on se doit de défendre la libre jouissance de tous les corps."


"La dépossession commençait comme ça, entre autres choses. Par la suite, G. ne s'intéressera à mon journal, ne m'encouragera à écrire, ne m'incitera à trouver ma voie. L'écrivain, c'est lui."


"Mais le venin est entré, et il commence à se répandre."


"Notre amour était un rêve si puissant que rien, pas un seul des maigres avertissement de mon entourage, n'avait suffi à m'en réveiller. C'était le plus pervers des cauchemars. C'était une violence sans nom."


"Quand j'annonce à ma mère que j'ai quitté G., elle reste d'abord sans voix, puis me lance d'un air attristé : « Le pauvre, tu es sûre ? Il t'adore ! »"


"Il faut croire que l'artiste appartient à une caste à part, qu'il est un être aux vertus supérieurs auquel nous offrons un mandat de toute-puissance, sans autre contrepartie que la production d'une oeuvre originale et subversive, une sorte d'aristocrate détenteurs de privilèges exceptionnels devant lequel votre jugement, dans un état de sidération aveugle, doit s'effacer."


"En dehors des artistes, il n'y a guère que chez les prêtres qu'on ait assisté à une telle impunité."


"D’une voix câline, il se vante alors de son expérience, du savoir-faire avec lequel il est toujours parvenu à ôter leur virginité aux très jeunes filles, sans jamais les faire souffrir, allant jusqu’à affirmer qu’elles en gardent toute leur vie un souvenir ému, si chanceuses d’être tombées sur lui et pas sur un autre, un de ces types brutaux, sans le moindre tact, qui les auraient clouées au matelas sans ménagement, associant à ce moment unique un goût de désillusion éternelle."



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