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Illégitimes de Nesrine Slaoui

Dernière mise à jour : 26 août 2021



Depuis un quartier populaire d’Apt, elle rêvait de journalisme, de Paris, de Science Po. Avec une mère femme de ménage, un père maçon et un nom à consonnance « étrangère », elle savait qu’elle devrait redoubler d’efforts. Elle les a faits.

De retour dans la petite ville de son enfance à l’heure où le pays tout entier a été sommé de ne plus bouger, elle mesure à la fois tout ce qui la sépare désormais des siens, de son histoire, et tout ce qui l’y rattache encore, qui la constitue, et qu’elle essaie de préserver.

Pourquoi faut-il que certains rêves vous arrachent à vous-même ? Quelle couleur de peau faut-il avoir, et quel nom faut-il porter pour pouvoir décider de son avenir ?

C’est le récit d’une réussite mélancolique. Critique, aussi. A l’égard de toute la violence qu’elle a dû et doit encore affronter, simplement pour trouver sa place sans être obligée de devenir quelqu’un d’autre. C’est aussi un hommage à tous ceux pour qui la légitimité demeure un combat permanent.



MON AVIS

Je me souviens quand j'étais en classe de première, j'avais choisi de faire un bac ES (économique et sociale) et je me suis retrouvée à étudier Bourdieu pour la première fois et ça m'a scotché ! Je me souviens avoir été choquée par les propos de ma professeur en sociologie. Comment ça, moi, issue d'une famille de classe moyenne je ne peux pas devenir auteure ? médecin ? princesse ? Et, vous êtes en train de me dire que le jour où je me retrouverais (si un jour ça arrive) à un dîner avec des gens issus de la classe aisée/supérieur, je ne me sentirais pas à ma place parce que je ne suis jamais allée à l'Opéra (par exemple) ? Mes parents et surtout mon père m'ont toujours dit de rêver, beaucoup, à la hauteur de mes espérances alors je ne comprenais pas comment mon éducation, mes habitus, mes hobbies pouvaient jouer en ma (dé)faveur. Comment peut-on classer les gens en fonction de leur possession de capital économique et culturel ?


Un peu plus tard, à l'université, je suis retombée sur Bourdieu, j'avais un peu grandit, j'avais fait un tour du monde, j'avais commencé à travailler, j'étais à l'université et je me rendais bien compte des différences. À ce moment-là j'ai un peu mieux compris.


Et puis, aujourd'hui, maintenant que je travaille, que je suis en couple, et maman, que je vis à Paris, je comprends tellement mieux Bourdieu, je comprends ses analyse.

Du coup, ce livre de Nesrine Slaoui tombe à pic, pile au moment où je me rends compte des inégalités qu'on peut subir au quotidien.

Notre famille, notre lieu d'habitation, nos origines sont des attributs propre à chacun et nous accordent plus ou moins de chance de s'élever ou non dans la société. Nesrine Slaoui se raconte et expose la force et la brutalité de son parcours pour défaire le mythe de la

légitimité et de la méritocratie. Citant aussi bien Pierre Bourdieu que Kery James, l’autrice expose la violence institutionnelle, le sexime et la place des “transfuges de classe”.

CITATIONS


« Les métiers des ouvriers ne se télétravaillent pas, et ça fait bien longtemps que les décisions politiques s'abattent sur eux en oubliant leur existence. "On s'appelle en FaceTime et tu m'expliques comment passer le balai". »


« Quand j'ai découvert Pierre Bourdieu au lycée, ce fut comme une révélation. Sa théorie de la reproduction sociale m'a à la fois effrayée et rassurée. Elle démontre que pour atteindre des postes à responsabilité dans la société, pour passer du milieu ouvrier, en ce qui me concerne, au milieu dit intellectuel, il faut disposer d'un capital social - "un réseau" - d'un capital économique et d'un capital culturel. »


« La télévision raconte un monde parallèle qui ne croise jamais sa réalité. Surtout pendant cette crise sanitaire : les interviews à domicile devant un mur de livres, les conseils pour débuter le yoga et les images des boulevards parisiens vides ne lui correspondent pas. »


« La France ne nous voyait pas. Nos visages d'Arabes n'étaient nulle part. Ni dans les journaux, ni dans les films, ni même dans les livres. Sauf pour nous dénigrer. Des voleurs, des menteurs, des profiteurs, des délinquants et des terroristes. »


« Implicitement, dans cet entre-soi élitiste, tout ce qu'un homme banc pouvait s'autoriser était "trop" chez moi. Marcher d'un pas assuré dans les couloirs ? Trop arrogante. Contredire l'analyse raciste d'un camarade ? Trop agressive. Monter une association pour parler des enjeux du Maghreb et du Moyens-Orient ? Trop communautariste. »


« "Beur", verlan du mot "rebeu", lui-même verlan du mot "arabe" comme s'il fallait absolument retourner ce mot dans tous les sens pour le dé-réaliser, pour l'adoucir. »


« J'étais admise à Sciences Po Paris. Certains de mes camarades me félicitaient dans les couloirs avant que l'un d'entre eux ne lance : Elle a été admise parce que c'est une femme rebeu et qu'elle est jolie. La société recherche ce genre de profil. »


« Les étudiants de milieux modestes ne représentaient que 0,5% des entrées à Sciences Po en 1998. Richard Descoings et Cyril Delhay décidèrent donc de signer des conventions entre cette institution de la reproduction des élites parisiennes et des lycées démunis de banlieues. L'administration s'est vite rendu compte que beaucoup d'élèves là-bas n'avaient jamais entendu parler de "Science Po". Ce nom avait un sens seulement pour ceux qui l'entendaient depuis l'école primaire parce que leurs parents ou leurs grands-parents y avaient étudié. En banlieue, on ne comprenait pas vraiment ce qu'il signifiait. »


« Je sais maintenant qu'on ne change pas fondamentalement. On met juste un costume et une cravate mais nos références restent un peu décalées. Moi, par exemple, j'écoute toujours autant Kery James. Je n'ai jamais été à l'Opéra mais j'ai appris à apprécier le théâtre. Je suis à la fois arabe et énarque. Je n'ai honte ni de l'un, ni de l'autre. Je voudrais juste qu'on soit plus nombreux. »



Vous pouvez le trouver ici

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