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Être ou ne pas être mère...



« Et toi tu veux combien d’enfants plus tard ? » C’est certainement la question que toutes les jeunes filles se posent entre elles dans la cour de récréation. Entre les prénoms choisis, la ville de nos rêves ou le choix d’un chien ou d’un chat. La question n’est pas de savoir si l’on a envie ou non d’être mère, sous entendu que, de toute manière une jeune fille est nécessairement une future mère. La question est bien de savoir combien on veut d’enfants, sans se demander si c’est possible de ne pas en vouloir. Avoir un enfant devrait être un choix alors qu’il est encore aujourd’hui une norme sociale.


4,3%, c’est le pourcentage de femmes françaises qui ont décidé de ne pas avoir d’enfants selon une étude faite en 2017*. Aux États-Unis, on les appelle les childfree. Sont-elles si peu à ne pas vouloir d’enfants ou ont-elles pris conscience avant beaucoup d’autres qu’elles ne désiraient pas être mère ? J’entends par là : le conditionnement est-il si fort qu’il nous empêche de réfléchir parfois consciemment ? Et donc librement ?

Être conditionné signifie être soumis à une influence externe (religion, société, culture, médias, etc.) qui guide et détermine nos comportements, nos opinions, nos goûts, et donc nos choix de vie. Prenons l’exemple de la religion qui par le passé a eu une forte responsabilité dans le conditionnement des Hommes : la Bible ne dit pas que toutes les femmes doivent être mères, mais que « toutes celles auxquelles le Seigneur accorde cette bénédiction doivent prendre leurs responsabilités au sérieux. » Rare hypocrisie puisqu’une majorité écrasante de femmes peuvent enfanter. Une femme qui a donc les capacités biologiques de donner la vie, mais qui décide de ne pas assumer cette responsabilité n’est donc pas sérieuse au regard de la religion, et par conséquent, est une mauvaise femme. La religion n’est pas la seule influence, la société joue aussi un rôle crucial.


Être conditionné signifie être soumis à une influence externe (religion, société, culture, médias, etc.) qui guide et détermine nos comportements, nos opinions, nos goûts, et donc nos choix de vie.

Dans notre société actuelle, le conditionnement commence dès le plus jeune âge uniquement par « mimétisme social »: les jouets des enfants, les dessins animés, les contes, la publicité, etc. Les petites filles jouent très rapidement à la poupée, elles calment leurs bébés en plastique lorsqu’ils pleurent, elles leur changent la couche, leur donnent à manger lorsqu’ils réclament, au moment où elles commencent à marcher, elles ont même des poussettes pour promener les poupées et tout ça participe à ce destin inévitable. Il constitue le schéma « classique » et « normal » de la vie, au point où beaucoup d’entres nous pensent que c’est logique et même naturel. « Quand j'étais petite, je pensais que l'on avait automatiquement des enfants, avant de comprendre comment cela fonctionnait.» Audrey, 25 ans.



Le moment fatidique apparaît avec l’arrivée des menstruations, on dit à une jeune fille qu’elle devient une femme lorsque celle-ci a ses premières règles. À travers le discours des parents, des membres de la famille ou de ce que l’on peut entendre dans les médias, les jeunes filles apprennent que la féminité se définit par la capacité à procréer et que les règles témoignent de cette capacité. Pour la société toute entière, l’arrivée des règles traduit la fin de l’enfance et l’accession à la catégorie de femme. Mais qu’en est-il de ces femmes qui ne veulent pas être mère, ou des femmes qui ne se voient pas comme femme ? Pourquoi assigner un événement comme les règles à la catégorie de femme ? Ces femmes qui ne seront pas des mères ne sont-elles pas aussi des femmes au même titre que les autres ?


Pour la société toute entière, l’arrivée des règles traduit la fin de l’enfance et l’accession à la catégorie de femme.

La pédiatre Edwige Antier écrit à propos de la maternité : « C’est une préoccupation que toutes les femmes ont en elles, qui fait partie de l’essence même de la femme.» Selon elle, être mère c’est le destin toutes les femmes, comme si la femme avait ce rôle sacré de donner la vie et qu’elle n’a pas d’autres possibilités parce que c’est « sa fonction première ». Pour beaucoup, la procréation est le but d’une vie, nous sommes sur terre pour « renouveler les générations ». C’est ancré dans nos normes et nos valeurs, et cela paraît par conséquent impossible d’en sortir. Dans le cas contraire, en effet, si certaines femmes ne veulent pas d’enfants, cela signifie forcément qu’elles ont un problème « Il y a un côté très culpabilisant parce que sous prétexte que moi je suis en bonne santé, que j’ai ce “pouvoir d’enfanter”, on me répète que c’est injuste de ne pas s’en servir. Je passe donc pour une égoïste aux yeux de la société parce que malheureusement certaines femmes ne peuvent pas avoir d’enfants » Sylvia, 27 ans.


Les femmes ne sont-elles que des machines à procréer ? Des génitrices ? La maternité est souvent synonyme de bonheur ultime, quoiqu’il se passe dans la vie, être mère représenterait la réussite, le bonheur absolu. Une femme ne peut-elle pas être heureuse sans enfant ?


L’Eveil, ou lorsque l’on prend conscience qu’un autre chemin est possible.

Pour écrire cet article, j’ai beaucoup échangé avec des femmes qui ne désirent pas d’enfants, en voulant notamment savoir s’il y avait eu un moment précis dans leur vie où elles avaient pris conscience de leur envie. « Jusqu’à mes 20 ans environ je m’imaginais avoir des enfants, explique Margot, 25 ans. Le schéma classique : maison, mariage, bébés, etc. Mais aux alentours de mes 23 ans, j’ai commencé à réfléchir et à me demander si c’était vraiment ce que je voulais et au final non, ce n’est pas mon idéal de vie. » Beaucoup de femmes de tous âges évoquent un changement lorsqu’elle se sont réellement posé la question. Avoir des enfants pour une femme semble logique et primordial, comme le fait de respirer pour continuer à vivre. Pourtant, dès lors qu’elles se sont posé la question, qu’elles ont réfléchi à leur envie, à leur futur, elles ont pris conscience qu’elles ne désiraient pas d’enfants, qu’elles ne désiraient pas être mère.


« Jusqu’à mes 20 ans environ je m’imaginais avoir des enfants, explique Margot, 25 ans. Le schéma classique : maison, mariage, bébés, etc. Mais aux alentours de mes 23 ans, j’ai commencé à réfléchir et à me demander si c’était vraiment ce que je voulais et au final non, ce n’est pas mon idéal de vie. »


Plusieurs raisons étaient invoquées par les femmes que j’ai interrogées, pour expliquer leur absence de désir d’enfant. Pour quelques unes d’entres elles, l’élément déclencheur semble apparaître suite à un épisode douloureux, qui a permis à celles-ci de réfléchir, comme ça a été le cas pour Dorothée, 36 ans et en couple : « J’avais 22 ans, j’étais avec mon compagnon depuis quelques années et amoureuse. Nous avions déjà abordé le sujet des enfants et de la famille et nous avions apparemment les mêmes envies. Nous avons décidé de nous lancer. J’ai arrêté ma contraception et le mois suivant, je suis tombée enceinte. Mais quand j’ai annoncé la nouvelle à mon compagnon de l’époque, il a totalement flippé et m’a avoué avoir d’autres projets avant celui d’avoir des enfants… J’ai essayé d’en reparler avec lui, en vain. J’ai fait mes valises, je l’ai quitté, et j’ai avorté. J’étais détruite, à jamais. Les mois et années qui ont suivi, associés au traumatisme de cette histoire, m’ont amené à avoir une tout autre vision sur le « besoin » d’avoir des enfants. La phobie de revivre cette situation, l’observation de mon entourage et l’écoute du discours de parents que je connaissais m’ont poussé à réfléchir profondément à ce que je désirais vraiment dans la vie et m’ont fait me rendre compte que cette envie de maternité n’était pas un besoin « biologique » pour moi, mais bien un évènement conditionné par mon éducation et par la société dans laquelle j’avais grandi. »


Certaines femmes s’épanouissent par d’autres biais que la maternité. Il existe tant de manières de se réaliser, le travail et l’envie de faire carrière par exemple et les femmes doivent redoubler d’efforts pour gagner leur place. D’ailleurs, selon une étude menée par le cabinet Hays en 2016 les femmes françaises sont les plus ambitieuses au monde ! Pour certaines, leur carrière passe avant tout. Gabrielle, 18 ans « C’était logique d’avoir des enfants jusqu'au jour où j'ai décidé du métier que je voulais faire. Un métier demandant de longues études. Actuellement, j'en ai encore pour onze ans et demi. Ce simple constat établi il y a trois ans a fait changer la donne. Impossible d'avoir des enfants durant mes études, donc avant mes 30 ans. Et je refuse de devoir arrêter de travailler de si tôt après tant d'années de travail. » ou Pauline, 21 ans « J'avais tout plein de rêves et d'ambitions pour ma vie de "quand je serai plus grande" mais jamais je n'ai mis les enfants dans ces visions de moi-adulte ! Peut-être parce que je suis l'aînée d'une famille de 4, que j'avais l'impression de voir que ma mère devait faire des concessions et des choix professionnels parce qu'elle avait 4 enfants et que ce n'est clairement pas quelque chose que j'envisage de faire. »


Pour d’autres, c’est notre société et le monde actuel qui ne parvient pas à leur donner envie de procréer. Justine, 27 ans m’explique : « Pour des raisons plus larges, quand je vois le monde dans lequel nous vivons, les personnes par qui nous sommes dirigés, l’état de notre planète, je me dis que mettre un enfant au monde serait criminel. Des enfants qui naissent maintenant connaîtront potentiellement le 22ème siècle. Qu’est-ce qu’on leur laisse ? Une planète qui fond d’un coté, qui gèle, qui tremble, qui éructe de l’autre, qui se défend comme elle peut face aux agressions qu’on lui fait subir, bref qui n’en pleut plus de nous porter. Projeter un enfant dans un monde si pourri, de haine, de violence, de misère, c’est trop pour moi. Je ne supporterais pas que mon enfant meure d’une lente asphyxie causée par notre pollution, qu’il se fasse matraquer et gazer par des CRS à la sortie son lycée, ou contraint de s’engager dans une troisième guerre mondiale » « Et puis ma conscience écologique s’est beaucoup développée, j’ai réalisé que je ne voulais pas que mes enfants vivent dans un monde qui se détériore aussi vite que maintenant. La surpopulation, les ressources qui disparaissent... c’est aussi un choix écologique que de ne pas vouloir d’enfant. » Johanna, 25 ans. La société a tendance à juger les femmes qui ne veulent pas d’enfants comme des personnes « égoïstes », sauf que pour beaucoup c’est justement un choix « non égoïste » puisqu’elles ne veulent pas contribuer à la surpopulation, ne veulent pas que leur descendance manque de ressources, souffrent du réchauffement climatique ou subissent des guerres.


« Qu’est-ce qu’on leur laisse ? Une planète qui fond d’un coté, qui gèle, qui tremble, qui éructe de l’autre, qui se défend comme elle peut face aux agressions qu’on lui fait subir, bref qui n’en pleut plus de nous porter »



Le combat pour la liberté


Si vous me connaissez un peu, vous savez que je suis une jeune maman, certaines d’entre vous peuvent ainsi penser que je ne suis pas légitime pour écrire un article sur ce sujet, c’est tout le contraire selon moi : parce que ce bébé, je l’ai voulu, plus que tout. Comme d’autres font le choix inverse, mais tout aussi respectable. Celles qui ne veulent pas être mamans ne jugent pas leurs copines qui veulent l’être, alors pourquoi dans l’autre sens c’est si difficile à faire ? Jamais au grand jamais, je ne dirai à mes copines qui ne veulent pas d’enfants « Tu verras, ça changera », « Attention, l’horloge biologique tourne », « Tu ne comprendras jamais, tu n’es pas mère » parce que ce n’est pas ma vie ! Ni à ma fille que je veux devenir grand-mère. Si le bonheur pour elles, c’est justement de ne pas avoir d’enfants, alors IL FAUT SIMPLEMENT LE RESPECTER !



Le plus grand combat de la femme selon moi n’est pas de devenir l’égal de l’homme, mais bien d’avoir une totale liberté sur ses choix sans aucun jugement.


Merci à toutes ces femmes qui m’ont aidé en se livrant et en répondant à toutes mes interrogations.


*enquête Fecond réalisée par INED en 2017

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